PJL "Action Logement"

  Dans une dépêche AEF parue le 21 mars dernier, l'Union sociale pour l'habitat alerte sur les menaces que pourrait induire le PJL "Action Logement" sur le modèle économique des organismes Hlm.

 La réforme d’Action Logement, en centralisant la collecte de la Peec, "va donner plus de sécurité à la ressource du 1 %" se félicite Frédéric Paul, délégué général de l’USH. Il salue notamment la prévention des conflits d’intérêts au sein des structures du futur réseau, et la création d’un comité consultatif associant l’USH à la définition et au suivi des emplois de la Peec.

 Mais il soulève aussi deux "sujets importants" qui "restent à traiter" : la délicate intégration du collecteur unique dans l’actionnariat des ESH, et la capitalisation de ces dernières, à organiser dans le respect des obligations européennes
Le débat parlementaire sur le projet de loi habilitant le gouvernement à légiférer par ordonnance pour accompagner la réforme d'Action Logement "a abouti à un certain nombre de mesures dont l’Union sociale pour l'habitatet le mouvement paritaire avaient convenu dans le cadre de l’accord signé en septembre dernier" (lire sur AEF), se félicite Frédéric Paul, délégué général de l’Union, auprès d’AEF Habitat et Urbanisme, le 22 mars. Non sans rappeler l’intérêt de la réforme du mouvement paritaire, "qui va donner plus de sécurité à la ressource du 1 %", sans laquelle "les organismes Hlm auraient de grandes difficultés à financer leurs opérations", Frédéric Paul souligne que le texte adopté en première lecture par l’Assemblée nationale le 17 mars garantit, à l’initiative des députés, "un certain nombre de règles du jeu" (lire sur AEF).

D’abord, la mise en place d’un comité consultatif "chargé d’assurer l’association des partenaires du dispositif, notamment l’Union sociale pour l'habitat […] à la définition des orientations applicables aux emplois de la Peec relatifs au soutien à la construction, à la réhabilitation et à l’acquisition de logements locatifs sociaux et au suivi de la distribution de ces mêmes emplois". Ensuite, la nécessité de "prévoir les modalités d’organisation territoriale" des structures qui naîtront de la réforme (structure faîtière, pôle immobilier et pôle collecte et services), afin "d’assurer la cohérence avec les politiques locales de l’habitat des activités des SA Hlm [sous actionnariat du 1 %]". Enfin, le projet de loi issu de l'Assemblée acte l’élaboration de règles de gouvernance, au sein des trois structures, "garantissant l’absence de conflit d’intérêts" en sus du principe d’équité de la distribution de la ressource entre les différents types d'organismes Hlm.

Deux "sujets importants" restent à traiter


"C’est un premier pas très positif qui est acquis" salue le délégué général de l’Union sociale pour l'habitat, qui souligne cependant "deux sujets importants" restant à traiter : celui de l’agrément éventuel de la structure immobilière censée centraliser toutes les participations des CIL dans les ESH du réseau (participations pour lesquelles les CIL étaient soumis à procédure d’agrément par le ministère du Logement en vertu de l’article L. 313-1 du CCH), et celui de la capitalisation des ESH.

Sur le premier point, Frédéric Paul appelle à ne pas négliger l’affectio societatis au sein des ESH sous actionnariat du 1 %, relation qui s’est construite, parfois de longue date, entre acteurs locaux portant "un projet de territoire". Sans se prononcer sur la pertinence ou non de passer par une procédure d’agrément, il souligne la nécessité de "prendre en compte l’avis des personnes qui sont autour de la table : certains actionnaires 'hors 1 %' pourraient manifester l’inquiétude de voir émerger un actionnaire national de cette taille". Et de résumer : "Il faut trouver une solution d’apaisement dans laquelle tous les acteurs y trouvent leur compte."

La question de la capitalisation des ESH par la structure immobilière soulève pour sa part des questions de compatibilité au regard de la réglementation européenne en matière de SIEG, rendant le sujet "extrêmement complexe" prévient Frédéric Paul.

Les emplois de la Peec s’apparentent en effet à une aide d’État, justifié par le service d’intérêt général rendu par les organismes Hlm. Mais cette aide doit répondre à deux conditions : garantir une égalité d’accès à la ressource entre tous les organismes - qui serait mise à mal par la capitalisation de telle ou telle société plutôt qu’une autre - et assurer une "juste compensation" du service d’intérêt général rendu par l’organisme. Cette dernière condition suppose que l’aide soit versée au seul titre des opérations conduites, et non aux organismes Hlm en tant que structure. Condition qui serait là encore mise à mal par une capitalisation des sociétés via les ressources du 1 %. "Il nous faut être très vigilant et très attentif à ces questions dans le souci d’assurer la pérennité de la ressource", prévient Frédéric Paul.

Pour l'heure, la capitalisation des ESH par les CIL n'est pas considérée par Bruxelles comme une aide d'État au titre du SIEG, et n'entre donc pas dans le contrôle de "surcompensation". Mais la ressource du 1% semble toutefois attirer les regards de la Commission européenne : "la bonification des prêts distribués par Action Logement aux ESH est prise en compte dans ce contrôle depuis peu", explique l'Union sociale pour l'habitat. Qui craint de fait que la réforme du mouvement paritaire, en créant un dispositif national, n'incite Bruxelles à creuser le sujet.

L'Ancols expérimente une nouvelle méthode d'évaluation


D’autant que les contrôles de cette "juste compensation" pourraient s’avérer à l’avenir de plus en plus pointilleux. L’Ancols, qui est chargée de cette mission depuis la loi Alur (lire la synthèse du titre III de la loi, qui définit notamment le rôle de l’agence), mènerait actuellement une expérimentation pour vérifier l’absence de surcompensation des aides d’État non plus à l’échelle des opérations, mais au niveau de l’activité globale des organismes. Une expérimentation qui "menace le modèle économique du logement social" selon l’Union sociale pour l'habitat, dont le président s’est fendu d’un courrier aux ministres des Finances et du Logement pour dénoncer l’initiative.

"L’Ancols dépasse largement ses missions", abonde auprès d’AEF Frédéric Paul. Selon lui, l’agence justifie cette expérimentation par le fait que le contrôle à l’opération couvre une période de 35 ans alors que le SIEG rendu par l’organisme à travers cette opération dure plus longtemps. Un contrôle "à l'organisme" pourrait "faire émerger l'idée qu'un bailleur social ne devrait pas bénéficier d’une aide d’État tant qu’il n’a pas consommé toutes les aides octroyées précédemment", pointe-t-il, alors même que les ressources stockées "ont vocation à être employées" pour entretenir le parc. "L’État risque de fonder les contrôles sur un calcul à l’instant t, alors que ce qui doit être apprécié, c’est un prévisionnel."

"C’est la raison pour laquelle nous devons être très vigilants, et exemplaire vis-à-vis du SIEG", insiste Frédéric Paul, alors que la fédération des ESH adresse des mises en garde similaires à ses adhérents (lire sur AEF).

Une vigilance d'autant plus nécessaire que "se profile l’ouverture par la Caisse des Dépôts de prêts de hauts de bilan", ces "quasi fonds propres" annoncés lors du congrès Hlm de Montpellier (lire sur AEF) dont les modalités restent encore à définir, et dont l’Union sociale pour l'habitat craint qu’ils ne servent d’argument à un éventuel désengagement de l’État. Alors même que, d’ores et déjà, le financement du FNAP (fonds national des aides à la pierre) via les aides à la pierre fait débat (lire sur AEF). "Nous voyons se construire un nouveau dispositif au long cours qui pourrait faire courir un risque extrêmement grave de déstabilisation du modèle économique du logement social", prévient pour finir le délégué général de l’Union sociale pour l'habitat.

Dépêche n°535192 par Anne Farthouat, parue sur AEF le 21/03/2016
Dernière mise à jour : ( 03-04-2016 )